Dans l’ouverture de l’économie, le taux de reproduction R s’approprie le rôle principal. Il y a deux ‘R’ : la constante R0 au début de l’épidémie et la variable RM après l’application des mesures. Le nombre de reproduction de base R0 exprime le nombre de nouvelles contaminations générées par un seul cas dans une population entièrement susceptible d’être infectée. Il décrit la dynamique des contaminations lors de l’épidémie initiale. Si ce nombre est supérieur à 1, l’épidémie devient une pandémie. S’il est inférieur à 1, le nombre de nouvelles contaminations décline progressivement et la maladie disparaît.
L’Imperial College estime le R0 à 3,3 sur la base des trois paramètres suivants : la moyenne journalière de contacts d’une personne malade avec des personnes susceptibles d’être infectées est de 13 ; la probabilité que la personne malade infecte quelqu’un d’autre est de 3,17 % ; et la période pendant laquelle quelqu’un est contagieux dure 8 jours. On obtient ainsi un R0 de 13 * 0,0317 * 8 = 3,3.
Immunité collective
Le nombre de personnes susceptibles d’être infectées décroît à mesure que nous évoluons vers l’immunité collective, mais nous en sommes encore loin. En moyenne, 3 à 5 % de la population des pays industrialisés auraient à présent acquis l’immunité. Le risque de contamination diminue ainsi de 3,17 % à 3 %. Nous pouvons faire baisser ce chiffre encore davantage en respectant les règles de distanciation sociale et d’hygiène. Nous pouvons aussi limiter le nombre de personnes avec lesquelles nous entrons en contact. Nous pouvons donc influencer ces paramètres pour maintenir un taux de reproduction inférieur à 1.
Le confinement a pris le virus à la gorge en faisant diminuer le nombre moyen de contacts de 13 à 3 – la famille. Le taux de reproduction après l’application de diverses mesures, que nous appelons RM, a diminué de 3,3 à 0,7. À présent, nous rouvrons l’économie en tenant compte de 4 scénarios. L’objectif est de maintenir un RM inférieur à 1. Dans le 1er scénario, nous augmentons le nombre de contacts de 3 à 7 personnes. Les règles strictes en matière de distanciation sociale et de port du masque font chuter de 40 % le risque de contamination, qui diminue ainsi de 3 % à 1,8 %. Le taux de reproduction augmente légèrement, de 0,7 à 1. Dans le 2e scénario, nous gardons les règles de distanciation sociale mais le nombre de contacts passe successivement à 9 puis à 12 personnes. Le RM augmente maintenant à 1,3 et 1,7. L’épidémie s’étend à nouveau.
Si nous arrêtons de porter un masque et de suivre les règles de distanciation sociale mais que nous limitons notre bulle personnelle à la famille plus quatre personnes, le RM monte en flèche pour atteindre 1,8. Dans le 4e et dernier scénario, nous abandonnons toutes les mesures de précaution et nous revenons à la norme de 9 à 12 contacts. Il redevient alors possible de faire la fête, mais le RM augmente respectivement à 2,3 et à 3,0.
Le vaccin, une nécessité
La conclusion de cette simulation est évidente : sans vaccin, la normalisation de notre vie est risquée. Si le dépistage et le traçage pourraient être utiles, la plupart des pays ne sont pas encore prêts pour cette stratégie. Elle pose aussi de grands défis, comme l’augmentation extrêmement rapide du nombre de contacts à ‘tracer’ dans le cas des citadins. De plus, 80 % des personnes contaminées ne présentent que des symptômes très légers, ne savent donc pas qu’ils sont malades et infectent ainsi d’autres personnes sans le savoir. Comme le montrent les résurgences du virus en Corée du Sud, l’exemple par excellence en matière de dépistage et de traçage, ce n’est pas la panacée.
Y a-t-il alors une autre solution pour ouvrir l’économie de manière relativement sûre ? Une des options consisterait à exposer de manière contrôlée la population à une deuxième vague, tout en évitant la surcharge des hôpitaux. Pour les moins de 60 ans, le taux d’hospitalisation se limite à 1 sur 10. Entre 92 et 96 % des décès concernent des personnes de plus de 60 ans. On pourrait lever la restriction de la mobilité pour les personnes non vulnérables de moins de 60 ans uniquement. Le taux de reproduction augmenterait très rapidement mais le nombre d’hospitalisations et de décès resterait limité. Et il en irait de même pour les dommages économiques. Mais est-ce vraiment ce que nous voulons ? C’est un choix que nous devrons faire en tant que société.