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Macroéconomie
26.06.2020
Arne Maes Senior Economist

La traversée du désert du marché du travail

Les mesures de confinement ont protégé la santé des citoyens, mais ont envoyé au tapis une partie de l’économie. Les employeurs ont utilisé les nouvelles technologies pour organiser le télétravail en un temps record. Le « chômage temporaire » – dont les règles d’accès ont été assouplies – a été utilisé massivement. De nombreux observateurs pensent que cette crise représente avant tout un point de basculement pour le marché du travail. Est-ce vraiment le cas ?

L’enquête (semi-)hebdomadaire menée par la Banque Nationale auprès des entreprises permet d’entrevoir comment ces dernières ont organisé le travail. Comme le démontre le graphique ci-dessous, près de 40% des employés* télétravaillaient à temps plein début avril, ce qui représente une énorme augmentation : en 2017, seuls 17% des employés reconnaissaient « travailler occasionnellement à domicile » (cf. à ce sujet un autre article d’Arne Maes . De nombreux technologues se sont félicités, car les bureaux à domicile qu’ils avaient prédits étaient devenus réalité. Les entreprises de vidéo-chat** ont vu le cours de leurs actions monter en flèche et il semble même que des « bureaux de jardin » aient vu le jour. sujet)

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Aujourd’hui, près de deux mois après le début de la crise, seul un employé sur six ferait encore du télétravail à temps plein. Un peu plus de 17% d’entre eux alterneraient télétravail et présence au bureau, tandis que la majorité travaillerait à nouveau à temps plein au bureau. Le télétravail à temps plein fut une expérience intéressante, mais à court terme cette période de crise semble avoir tout au plus donné un coup de pouce à l’intégration du télétravail occasionnel dans les habitudes des entreprises.

Chômage temporaire

Le chômage temporaire offre aux employés une protection en cas de force majeure ou de problème économique. A cause de la pandémie de covid-19, les allocations versées dans le cadre du chômage temporaire ont été relevées à 70% du salaire brut. Par ailleurs, les conditions d’accès à ce statut ont été assouplies et prolongées dans le temps. Une étude de la Banque Nationale révèle que le taux de remplacement de l’allocation correspondait également en moyenne à 70% du salaire net des travailleurs.

Sur base annuelle, la perte de revenus nets serait « quasi inexistante » pour les bas salaires en raison de l’allègement fiscal appliqué aux revenus de remplacement.

Pour le mois d’avril, la ministre de l’Emploi Nathalie Muylle a confirmé que près de 1,2 million de travailleurs étaient inscrits au chômage temporaire. En mai, ce nombre est tombé à un peu moins de 1 million. On ne s’étonnera pas que ce chômage temporaire provienne en majorité d’entreprises des secteurs événementiel et de l’horeca, où le recours au chômage temporaire a fortement diminué au cours des dernières semaines.

Cette évolution (à première vue) positive semble être confirmée par le graphique ci-dessus. A 15%, le nombre de travailleurs encore inscrits au chômage temporaire en juin aurait diminué de moitié par rapport au mois d’avril. C’est un signe encourageant, du moins si le chômage temporaire a effectivement été utilisé comme poste de garde en attendant la reprise du travail habituel.

Baisse du chômage temporaire

Dans ses premières enquêtes, la BNB interrogeait également les entreprises sur leur intention de réembaucher les travailleurs à l’issue de leur période de chômage temporaire. Les entreprises interrogées estimaient que 20% des chômeurs temporaires ne pourraient pas être remis au travail. Dans un scénario du pire, il pourrait donc s’agir de 200.000 chômeurs supplémentaires.

Nous nous sommes basés sur une réduction progressive du chômage temporaire. Dans ce contexte, nous pourrions revenir à la moyenne à long terme*** début 2021, lorsque les mesures d’assouplissement actuelles auront plus que probablement été supprimées. Dans ce scénario, le taux de chômage à la fin de cette année se situerait au-delà de 9%, soit le plus haut niveau en plus de 16 ans. Ensuite, la situation devrait progressivement s’améliorer, ce qui représenterait tout de même fin 2021 plus de 100.000 chômeurs supplémentaires par rapport à la fin de l’an dernier.

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* Il s’agit ici d’un échantillon. Les données par secteur sur les entreprises participantes sont disponibles dans le dernier onglet des chiffres détaillés publiés par la BNB. Vous pouvez consulter la dernière version en cliquant ci-dessous.

** Les actions de la société Zoom Video Communications, Inc., connue pour sa plate-forme vidéo Zoom, ne sont pas les seules à s’en être bien sorties. Le fait que son ticker soit « ZM » et non pas « ZOOM » semble avoir réussi à Zoom Technologies, Inc. (qui n’a aucun lien avec la première), certains candidats investisseurs ayant manifestement confondu les deux entreprises. Merci à Matt Levine dont l’article est à lire absolument.

*** Nous exprimons le chômage temporaire en pourcentage de l’emploi total. Depuis le début 2011, il se situait en moyenne à 2,5%.

 

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Arne Maes Senior Economist
Arne Maes (né en 1985 à Ekeren) détient un Master of Science en Ingénierie commerciale de l’université d’Anvers, avec spécialisation en politique économique. Au sein de la banque, Arne est expert en économie belge et travaille, de surcroît, à la création et l’entretien des modèles de prévision du service, ainsi qu’au développement de nouvelles idées de recherche. En savoir plus

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