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Politique
11.09.2017
Koen De Leus Chief Economist

Stop à l’évasion fiscale

L’Europe – France en tête – souhaite introduire une taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises. L’objectif est de mettre fin – essentiellement mais pas uniquement – aux pratiques d’évasion fiscale des géants technologiques américains. Il est normal que chacun paie pour l’utilisation et l’entretien des infrastructures publiques. C’est une autre question de savoir si un impôt sur le chiffre d’affaires est la solution idéale.

Cette initiative a été lancée par Bruno Le Maire, ministre français des Finances. Nos voisins du sud, comme la majorité des autres pays européens, en ont assez de voir les géants américains de l’internet payer aussi peu d’impôts sur les bénéfices qu’ils réalisent en Europe. L’exemple le plus révoltant est l’impôt de 0,005% payé par Apple sur ses bénéfices européens en 2014, soit à peine 50 dollars par million engrangé. L’OCDE a estimé que les gouvernements passaient à côté de 100 à 240 milliards de dollars de revenus à cause des règles internationales autorisant les sociétés à transférer leurs bénéfices dans des paradis fiscaux.

Pratiquement pas d’impôts

L’Europe ne peut bien entendu s’en prendre qu’à elle-même. En principe, une activité doit être taxée là où elle a lieu, mais les règles actuelles limitent les ponctions fiscales aux pays où les entreprises sont physiquement implantées. L’Irlande et le Luxembourg – avec leurs taux d’imposition avantageux – sont les pays préférés des multinationales, qui ne paient donc pratiquement pas d’impôts dans les autres pays européens, où elles réalisent cependant des milliards d’euros de chiffre d’affaires. Par exemple, Airbnb n’aurait payé l’an dernier que 100.000 euros d’impôts en France.

« On ne peut pas continuer à se couper l’herbe sous le pied », estime Marianne Thyssen, Commissaire européenne à l’Emploi, aux affaires sociales, compétences et mobilité des travailleurs, dans le livre « L’économie des gagnants ». « Nous devons évoluer vers ce que l’on appelle une ‘Common Consolidated Corporate Tax Base’ ou CCCTB pour l’impôt des sociétés. » C’est une mesure prometteuse qui est actuellement commentée et discutée dans tous les Etats membres. Son objectif est d’éviter l’évasion fiscale et d’indiquer clairement aux entreprises ce qui sera taxé. Elle n’évitera cependant pas que certains pays appliquent des taux d’imposition très bas.

Niveau international

Cette piste est-elle aujourd’hui abandonnée au profit d’une taxe sur le chiffre d’affaires ? Nous n’en sommes pas encore là. La taxe standard proposée par la France serait basée sur le chiffre d’affaires réalisé au niveau national et pourrait osciller entre 2 et 5%. Cela permettrait aux Etats membres d’augmenter leurs recettes fiscales. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne soutiennent cette idée. Les modifications du régime fiscal exigent cependant l’accord de tous les Etats membres, ce qui est loin d’être acquis dans les pays appliquant des taux d’imposition très bas comme l’Irlande et le Luxembourg.

C’est certainement une bonne chose que l’on essaie de développer un système fiscal plus équitable. Mais si nous voulons trouver une véritable solution, nous avons besoin d’une collaboration au niveau international. Si l’Europe est seule à imposer cette taxe sur le chiffre d’affaires, ses entreprises seront pénalisées. L’OCDE, l’organisation qui rassemble 35 pays riches, a récemment fait des recommandations qui vont dans le même sens que l’initiative CCCTB. Le mois dernier, 70 pays ont signé un pacte destiné à lutter contre l’évasion fiscale. Les pays regardent de plus en plus dans la même direction, avec quelques exceptions notoires comme l’Irlande, le Luxembourg et les Etats-Unis. Il faudra encore de nombreuses palabres entre politiciens et de procès avec les géants de l’internet pour que l’on arrive à une solution définitive. Mais l’époque où les géants technologiques ne devaient rendre aucun compte semble progressivement toucher à sa fin.

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Koen De Leus Chief Economist
Koen De Leus (Bonheiden, 1969) détient un diplôme de master en sciences commerciales de la Economische Hogeschool Sint-Aloysius (EHSAL). Depuis septembre 2016, il occupe le poste d’économiste en chef au sein de BNP Paribas Fortis. Il est également professeur invité de la EHSAL Management School, notamment dans le domaine de la finance comportementale. En 2017, Koen a publié son livre « L'économie des gagnants : défis et opportunités de la révolution digitale », et en 2012, « Les règles d'or en bourse ». En collaboration avec Paul Huybrechts, il a écrit en 2006 « Au pays des vieux », un livre portant sur le défi social et économique du vieillissement de la population. En savoir plus
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