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Marchés Financiers
23.10.2023
Sylviane Delcuve Senior Economist

Fortunes et infortunes de la couronne norvégienne

Longtemps enfant chérie des investisseurs obligataires, la couronne norvégienne (NOK) perd chaque année environ 6% de sa valeur face à l’EUR ou au USD, sans que cela ne provoque de réaction de sauvegarde de sa banque centrale. Que se passe-t-il dans ce petit pays pourtant si riche ?


Prévoir l’évolution d’une devise a toujours été difficile. Cependant, en regardant le contexte économique, en tentant de mettre en évidence des différences fondamentales entre un pays et un autre, on peut parfois expliquer les mouvements sur les taux de change. Le cas de la Norvège est très interpellant. Car bien que ce pays soit producteur de pétrole – ce qui devrait être un atout en période de crise énergétique – il s’avère que la couronne norvégienne perd constamment du terrain face aux autres devises, et ce depuis plusieurs années. Nous avons essayé de comprendre pourquoi.

Pays immensément riche

Sur le plan purement économique, la Norvège a du pétrole. Et cela lui permet d’afficher un surplus insolant de sa balance courante, qui dépasse les 30% de son PIB, et d’avoir des comptes publics en excédant, avec un surplus budgétaire de 25% du PIB. La dette publique est très faible, à 45% du PIB. Elle a légèrement augmenté depuis le Covid, mais cela reste parfaitement soutenable. Ce n’est pas pour rien que le pays est l’heureux propriétaire de l’un des plus gros fonds de pension au monde.

Le pays traverse cependant une période difficile, liée à la crise énergétique et à la remontée des taux d’intérêt, obligatoire vu la flambée inflationniste de ces deux dernières années. Le moral des consommateurs n’est pas bon, la production industrielle recule et les prix de l’immobilier baissent. Les Norvégiens craignent un monde sans pétrole qui les priverait de ressources précieuses. Et ils se plaignent aussi du durcissement de la fiscalité opéré par le gouvernement, qui se prépare aussi à l’après-pétrole. Sans les recettes pétrolières, le pays afficherait un déficit dans ses comptes publics.

Enfant chéri

Les investisseurs aimaient pourtant beaucoup les placements en NOK, auparavant. Car les taux d’intérêt étaient plus élevés en Norvège qu’ailleurs, en raison d’une inflation qui y a toujours été plus forte. Depuis quelque temps, ils s’en détournent toutefois car l’avantage d’un placement en NOK par rapport à un placement équivalent dans une autre devise (en EUR par exemple) a considérablement rétréci et beaucoup ont appris à leurs dépens que la NOK restait une devise très peu liquide. La Banque Centrale de Norvège tente parfois de soutenir un peu sa devise en puisant dans ses réserves de change. Mais il s’avère que ses annonces sont difficiles à interpréter et qu’on ne sait pas jusqu’où le pays serait prêt à aller pour défendre sa devise. Depuis 2014, la NOK perd quoi qu’il en soit environ 6% de sa valeur chaque année face à l’EUR, et la Banque Centrale laisse plus ou moins faire.  

NOK contre USD et EUR    

Se réinventer sans le pétrole

Le pays doit absolument inventer son avenir sans la manne du pétrole. Mais les tentatives de diversification coûtent cher et se voient grevées de taxes qui ne cessent de monter. Comme l’industrie de la pêche ou celle de l’hébergement dans les Fjords de « clouds » dont le monde est de plus en plus friand et qui consomment une énergie absolument pharaonique.

Il faut ajouter à ce tableau que les Norvégiens travaillent peu en comparaison avec les habitants d’autres pays, et que la sécurité sociale y est très développée. Ce qui entraîne des besoins énormes en matière de recettes publiques. Pourtant, il faudra bien en trouver quand le pétrole jouera un moins grand rôle dans le monde...  

C’est sans doute la combinaison de tous ces facteurs qui explique le désamour envers les placements en NOK.

 

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Sylviane Delcuve Senior Economist
Master en Economie de l’ULB Economiste de la salle des marchés de la première banque du pays pendant 10 ans Responsable crédit pour les produits structurés. Nombreuses expériences dans l’enseignement : ULB, Solvay, ULG, HEC St Louis En savoir plus

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