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Macroéconomie
31.10.2023
Sylviane Delcuve Senior Economist

La Chine fait peur

Les déboires immobiliers chinois font craindre le pire sur les marchés financiers. Le gouvernement prend la mesure du problème et tente par tous les moyens d’enrayer la spirale négative, mais cela risque de ne pas fonctionner. Les finances publiques chinoises s’embarquent sur une pente dangereuse.

 


Tous les regards se tournent à nouveau vers la Chine, car les nouvelles relatives à la santé de son secteur immobilier font trembler tout le monde, poussant un nombre croissant d’investisseurs à fuir les marchés environnants par peur de la contagion. La Bank of America réalise tous les mois un sondage parmi près de 300 gestionnaires de fonds américains, qui brassent environ $700 milliards, et la dernière édition révèle qu’un tiers d’entre eux regardent à présent l’immobilier chinois avec grande méfiance, car ils s’attendent à un problème majeur de crédit qui aurait des répercussions hors des frontières chinoises. L’inquiétude monte en flèche au point d’éclipser carrément les craintes liées à l’immobilier commercial américain aux yeux de ces gérants d’actifs. Il faut dire que l’immobilier représente environ 25% de l’activité économique totale en Chine et que les déboires des géants du secteur comme Country Garden, tout récemment ou Evergrande, en 2021 ont fait l’effet de bombes sur les marchés, faisant fuir les investisseurs. La bourse chinoise essuie des retraits massifs d’argent depuis quelques mois et le sentiment général est devenu très négatif, car les investisseurs redoutent une aggravation du contexte économique déjà très fragile. La devise chinoise pâtit lourdement de cette situation, et elle est d’ailleurs récemment tombée à son plus bas niveau en 16 ans face au dollar. Les gérants interrogés par BOA disent s’être rapatriés massivement sur le marché américain, qu’ils jugent bien moins risqué que la Chine ou d’autres marchés émergents, susceptibles de pâtir plus vite du contexte chinois dégradé.

Les mesures de soutien se multiplient

Le gouvernement chinois tente par tous les moyens de limiter la casse au niveau immobilier, en baissant les taux d’intérêt, en accordant des abattements d’impôts sur les revenus des personnes physiques ou encore en réduisant la mise de départ nécessaire à l’obtention d’un prêt hypothécaire, mais rien n’y fait : le marasme est là et il s’incruste. Les nouvelles économiques ne sont guère réjouissantes, il faut bien le constater : croissance en deçà des objectifs, inflation pratiquement nulle et chômage des jeunes tellement élevé que le gouvernement a décidé de ne plus publier les chiffres à ce sujet jusqu’à nouvel ordre …      

Le marasme chinois est d’ailleurs tel que la bourse est retombée à son niveau d’avant le Covid, ce qui en dit long sur le climat ambiant!

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Trajectoire dangereuse pour la dette

Conscient que les mesures prises ne suffiront pas, le gouvernement vient d’annoncer son intention de creuser le déficit budgétaire au cours des prochains mois, quitte à ce que la Banque Centrale en soit réduite à acheter les nouvelles obligations qui devront être émises en conséquence. Il est vrai que la politique monétaire doit être accommodante (baisse des taux et hausse des liquidités) si on veut doper l’activité économique. Le déficit budgétaire qui avait atteint 9% du PIB lors de la pandémie, menace donc bien de se détériorer à nouveau dès 2024, mettant la Chine sur une trajectoire dangereuse en matière de dette publique. Avant le Covid, celle-ci avoisinait encore les 60% du PIB, mais tout indique que le niveau de 80% sera atteint sous peu, avant de s’envoler au-delà de 100% d’ici 2027 si l’on en croit le FMI.   

Un chemin dangereux, bien connu en Occident !

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Sylviane Delcuve Senior Economist
Master en Economie de l’ULB Economiste de la salle des marchés de la première banque du pays pendant 10 ans Responsable crédit pour les produits structurés. Nombreuses expériences dans l’enseignement : ULB, Solvay, ULG, HEC St Louis En savoir plus

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