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Macroéconomie
07.06.2020
Koen De Leus Chief Economist

Corona economics (9) -Crises : si différentes et pourtant si semblables

Les crises sont survenues de tout temps. Les vingt dernières années, nous en avons connu quatre. Quels rapports ces crises ont-elles entre elles ? En quoi sont-elles différentes ? Et y a-t-il des similitudes dont on pourrait tirer quelque enseignement pour tourner la page de la crise actuelle au plus vite ?

Ces deux dernières décennies, quatre crises importantes ont touché nos contrées. Celle-ci a été précédée de la grande crise financière de 2008, provoquée par l'effondrement des prix des maisons américaines et la débâcle du marché des crédits hypothécaires titrisés. Maintes banques européennes avaient été touchées au cœur, elles aussi, car exposées au risque inhérent à ce genre d'obligations. Les autorités nationales ont volé à leur rescousse, ce qui a finalement débouché sur une nouvelle crise en Europe, celle de la zone Euro elle-même.

La bulle internet, quant à elle, a éclaté mi-2000. Investisseurs et entreprises avaient trop cru et investi dans les miracles de la nouvelle économie à la mode. Les recettes se faisant trop longues à venir, notamment parce que l'infrastructure à prévoir pour cette économie de l'internet et des réseaux n'était pas encore déployée, les investisseurs ont été pris de vertige et se sont rués vers la sortie de secours. 

Quelles sont les différences ?

La bulle internet comme la crise bancaire peuvent toutes deux être classées dans la catégorie des crises financières. Dans la première, c'est une bulle qui a éclaté. L'excès d'investissement dans ces nouvelles technologies a mis les autres investissements des entreprises en veilleuse les années qui ont suivi. Mais en fin de compte, le choc économique s'est avéré moins rude que prévu, ce qui a permis au consommateur de s’en remettre rapidement.

La crise financière de 2008 était une grave crise bancaire et on a ressenti les effets nettement plus longtemps. On peut comparer le crédit bancaire aux artères du corps humain, qui apportent le sang oxygéné à toutes les parties du corps. Si ces artères se bouchent, l'organisme, l'économie dans ce cas-ci, s'atrophie et meurt.  Les banques, du fait de leur fâcheuse situation, ont réduit le débit du robinet des crédits. Ni les entreprises ni le consommateur n'accédaient facilement au crédit, ce qui a empêché une reprise rapide de l'économie.

Aujourd'hui, ce n'est pas une crise financière que nous traversons. La crise actuelle est unique en son genre dans le sens où c'est un choc externe qui a conduit au gel total de l'économie. Le commerce s'est arrêté. Les travailleurs, en même temps consommateurs, ont été contraints de rester chez eux. Les entreprises ont dû fermer leurs portes ou ont vu leurs ventes s'effondrer. L'offre de nombreux produits et services s'est paralysée, et il en a été de même pour la demande de nombreux produits.  La réouverture progressive les semaines à venir donnera une idée de la vitesse à laquelle la vie économique reprendra cette fois-ci.

Quelles sont les similitudes ?

La cause de cette crise-ci diffère donc fondamentalement de ce qui a provoqué les autres. Mais en ce qui concerne la reprise de l'économie, les choses se présentent plus ou moins de la même façon : à quelle vitesse la confiance se réinstalle-t-elle. Si les entreprises et les ménages n'ont pas confiance, ne croient pas à une amélioration de la situation, tous deux vont dépenser moins : les ménages épargnent plus, les entreprises investissent moins. Les pouvoirs publics peuvent compenser par des investissements mais pas pour tout. Du fait d'une demande en berne, la production se met en veilleuse, des travailleurs sont licenciés, le taux de chômage grimpe, les gens au chômage vont encore dépenser moins.

Cette spirale négative se constate également aujourd'hui. Les entreprises voient fondre leurs bénéfices et du coup, remettent leurs investissements à plus tard.  Les citoyens, eux aussi, voient l'avenir s'assombrir. Le chômage technique se muera-t-il en chômage définitif si la situation actuelle persiste encore longtemps ?  On épargne un peu plus, ce qui en soi n'est pas mauvais mais si tout le monde fait cela, cette crainte de temps difficiles sera une prédiction qui finit par se réaliser. Et vient encore se greffer là-dessus la peur de la contagion, qui nous retient de reprendre le fil de notre ancienne vie.

Restaurer la confiance, la foi en une heureuse issue, est crucial dans toute reprise. Keynes évoquait les ‘esprits animaux’, qu'il faut réveiller. Alors seulement, les consommateurs recommenceront à dépenser. Alors seulement les entreprises réinvestiront et les entrepreneurs relanceront leur business. La différence avec les crises précédentes, c'est que cette fois, nous avons besoin d'un vaccin pour retrouver la confiance. Mais avec des dizaines de chevaux dans la course à l'élaboration de ce vaccin, il y a tout lieu de croire qu’il y aura au moins un gagnant parmi eux.

Stay safe et à bientôt !

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Koen De Leus Chief Economist
Koen De Leus (Bonheiden, 1969) détient un diplôme de master en sciences commerciales de la Economische Hogeschool Sint-Aloysius (EHSAL). Depuis septembre 2016, il occupe le poste d’économiste en chef au sein de BNP Paribas Fortis. Il est également professeur invité de la EHSAL Management School, notamment dans le domaine de la finance comportementale. En 2017, Koen a publié son livre « L'économie des gagnants : défis et opportunités de la révolution digitale », et en 2012, « Les règles d'or en bourse ». En collaboration avec Paul Huybrechts, il a écrit en 2006 « Au pays des vieux », un livre portant sur le défi social et économique du vieillissement de la population. En savoir plus

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