Menu
Macroéconomie
13.10.2022
Arne Maes Senior Economist

Taux d'intérêt : vers un effet boule de neige ?

Après de longues négociations, le budget a finalement été bouclé. Avec une absence remarquée dans la communication qui a suivi : la hausse des taux d’intérêt. Les taux d’intérêt sur l’encours de la dette publique belge ont atteint leur niveau le plus bas cet été. Fin 2022, les taux d’intérêt moyens auront déjà augmenté d’environ 10 points de base.Si la hausse des taux se poursuit, la dette publique augmentera chaque année de près de 2 points de pourcentage dans la discipline budgétaire actuelle (ou en l’absence de celle-ci).

Après de longues négociations, le budget a finalement été bouclé. Avec une absence remarquée dans la communication qui a suivi : la hausse des taux d’intérêt. Les taux d’intérêt sur l’encours de la dette publique belge ont atteint leur niveau le plus bas cet été. Fin 2022, les taux d’intérêt moyens auront déjà augmenté d’environ 10 points de base. Les années de refinancement à des taux toujours plus bas touchent ainsi à leur fin. Mais que nous réserve l’avenir ? Si la hausse des taux se poursuit, la dette publique augmentera chaque année de près de 2 points de pourcentage dans la discipline budgétaire actuelle (ou en l’absence de celle-ci).

Effet boule de neige des taux

Un effet boule de neige se produit lorsque les charges d’intérêt sur l’encours de la dette débouchent sur de nouvelles dettes. Celles-ci entraînent à leur tour une hausse des charges d’intérêt de manière exponentielle. Les particuliers (et, dans une moindre mesure, les entreprises) courent alors le risque de faire rapidement faillite. Pour les pouvoirs publics, en revanche, la situation est un peu différente.

Les finances publiques sont généralement mesurées par rapport au PIB national. Ce qui permet de comparer les pays entre eux, mais aussi de connaître la capacité de remboursement du déficit et de la dette proportionnellement à la création de valeur totale au sein de l’économie d’un pays. Dans le Pacte européen de stabilité et de croissance, les valeurs cibles pour le déficit public et la dette totale, respectivement 3% et 60%, sont dès lors exprimées en termes de PIB. Les grandes économies peuvent donc se permettre un peu plus.

L'effet boule de neige des taux désigne ainsi une situation dans laquelle l’endettement, exprimé en pourcentage du PIB, augmente chaque année en raison des charges d’intérêt élevées. Le graphique ci-dessous résume cette dynamique. L’axe horizontal représente le taux directeur de la BCE. L’axe vertical montre l’augmentation ou la diminution annuelle de la dette publique. Lorsque la Banque centrale relèvera ses taux, les obligations d’État suivront également, ce qui risque de provoquer cet effet boule de neige tant redouté.

221013 a

Protection

Trois facteurs déterminent l’évolution de l'effet boule de neige des taux.

  1. Le solde budgétaire primaire* : un solde positif peut compenser (partiellement) l’impact des charges d’intérêt élevées. En cas de solde négatif, l'effet boule de neige se produit dès que les taux d’intérêt baissent.

  2. L’endettement : les charges d’intérêt ne sont pas différentes de l’intérêt implicite multiplié par l’endettement. Plus l’endettement est élevé, plus l'effet boule de neige des taux sera rapide.

  3. La croissance nominale : l’augmentation de la croissance réelle et/ou de l’inflation fait augmenter le dénominateur de la fraction « dette sur PIB ». L'effet boule de neige des taux connaît alors une évolution moins radicale.

Le graphique ci-dessous présente quatre scénarios : un scénario de base (vert) et trois exemples des paramètres décrits ci-dessus. Un déficit primaire plus élevé (ligne noire) entraîne un effet boule de neige plus important. Un endettement plus élevé (violet) augmente la sensibilité aux hausses de taux. L’impact de la hausse de l’inflation (ou de la croissance) est indiqué en bleu.

221013 b

La Belgique et ses voisins

Ce qui manque encore dans le modèle ci-dessus, c’est le lien entre le taux directeur et le taux d’intérêt moyen sur la dette publique. Un modèle simple** consiste à prendre une prime de risque fixe pour calculer le taux d’intérêt implicite d’un pays déterminé à partir du taux directeur de la BCE.

221013 c

Vu les taux positifs de la BCE, la dette publique belge (ligne verte) se trouve d’ores et déjà dans une situation préoccupante. Le modèle indique que, dans l’état actuel des taux, l’endettement risque d'augmenter chaque année de plus de 2 points de pourcentage. Nous observons un phénomène similaire en France (bleu). Ce pays est encore moins bien loti : le déficit primaire actuel plus élevé pèse plus lourd sur les obligations françaises que le taux implicite plus faible.

L’Allemagne se trouve aussi, avec son déficit actuel, dans une mauvaise passe. La dette publique allemande, toujours mesurée en pourcentage du PIB, augmente toutefois nettement moins vite que celle des pays voisins, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. Cela s’explique par le fait que son endettement est bien inférieur.

Prévisions

Il est évident que le déficit primaire belge doit baisser, mais ce n’est pas sur le point de se produire. Le soutien apporté aux ménages et aux entreprises à la suite de la crise énergétique va peser sur le budget. Dans ses dernières prévisions, la Banque nationale part du principe que le déficit primaire oscillera également aux alentours de 3% dans les années à venir.

Les taux d’intérêt moyens sur notre endettement augmenteront progressivement, à chaque refinancement. À long terme, un déficit primaire de 3% pour des taux d’intérêt de 3% et une croissance nominale de 4%*** font grimper la dette de près de 2 points de pourcentage par an.

À court terme, nous devons compenser la hausse des taux d’intérêt par un déficit primaire inférieur : plutôt que de viser un déficit d'environ 3%, le gouvernement a tout intérêt à ne pas dépasser les 2%.  L'heure est donc à la sobriété budgétaire. Un message qui risque de déplaire aux électeurs...

* Le déficit primaire correspond à la différence entre les recettes et les dépenses, à l’exception des charges d’intérêts.

** Ce modèle comporte quelques écueils majeurs. Ainsi, il suppose notamment qu’une hausse (ou baisse) du taux directeur entraîne une hausse (ou baisse) immédiate du taux implicite sur l’ensemble de la dette en cours. Or le taux implicite sur l’ensemble de la dette est également lié au taux d’intérêt de référence en vigueur à ce moment-là. Les pays possédant davantage de dettes à long terme seront donc moins sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt.

*** Nous tablons sur une croissance réelle légèrement supérieure à 1% et sur une inflation légèrement inférieure à 3%.

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Arne Maes Senior Economist
Arne Maes (né en 1985 à Ekeren) détient un Master of Science en Ingénierie commerciale de l’université d’Anvers, avec spécialisation en politique économique. Au sein de la banque, Arne est expert en économie belge et travaille, de surcroît, à la création et l’entretien des modèles de prévision du service, ainsi qu’au développement de nouvelles idées de recherche. En savoir plus

Sur le même sujet

Pas de résultat