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Marchés Financiers
28.03.2023
Sylviane Delcuve Senior Economist

Remontée des taux : bonne ou mauvaise nouvelle ?

Si le changement de cap monétaire opéré il y a moins d’un an aux États-Unis et en Europe a d’abord réjoui les investisseurs, heureux de récupérer des perspectives pour leur épargne, la pilule est vite devenue très amère pour les emprunteurs. La fin de l’argent gratuit a des conséquences visibles sur de nombreux marchés immobiliers et le moins que l’on puisse dire c’est que la faillite spectaculaire de la Silicon Valley Bank ravive de très mauvais souvenirs pour le monde entier.

Depuis la sortie de la crise sanitaire, l’inflation s’est invitée dans nos vies de manière tenace, bousculant le quotidien de pratiquement tout le monde, des plus jeunes qui n’avaient jamais connu cela, aux plus âgés, pour qui la valse des étiquettes a un goût de « déjà-vu ».

La flambée des prix a en tout cas été mal analysée par les autorités monétaires, qui ont d’abord été convaincues que le phénomène serait temporaire car lié à cette période inédite où le monde se remettait en marche après des mois de confinement en raison de la pandémie de Covid. Mais les marchés ont mal réagi à ces analyses erronées des banquiers centraux, provoquant un malaise sur les bourses et une remontée spectaculaire des taux d’intérêt à long terme. C’est quand cette envolée des taux longs a commencé à provoquer d’autres dégâts sur la scène économique que les politiques monétaires ont opté pour une autre stratégie : tant la Fed que la BCE ont compris qu’il faudrait durcir nettement le ton pour venir à bout de cette inflation aggravée par la guerre en Ukraine et les hausses de taux directeurs se sont enchainées à un rythme effréné : 9 hausses consécutives des taux aux États-Unis et 6 en Europe en l’espace de quelques mois.

Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Dans un premier temps, de nombreux investisseurs se sont réjouis de la remontée des taux car de nouvelles opportunités s’offraient à eux : meilleur rendement des carnets d’épargne, possibilités d’investir dans des obligations en obtenant enfin une rémunération plus satisfaisante que ce à quoi ils étaient habitués depuis plus de 10 ans, alternatives à la bourse pour ceux qui s’en méfient. Une bonne nouvelle donc !

EE taux mars

Pour les emprunteurs, qu’ils soient privés ou professionnels, le contexte s’est évidemment rapidement dégradé lorsque les conditions se sont durcies. Les conséquences sont aujourd’hui bien visibles sur de nombreux marchés immobiliers, confrontés à des baisses de prix et à un effondrement des transactions. La vie est brusquement devenue nettement plus compliquée pour les sociétés les plus exposées, c’est-à-dire les plus petites, ou celles de moindre qualité, qui recourent souvent à des emprunts à taux variables. Il suffit de regarder le yoyo du Nasdaq pour s’en convaincre.

Faillite de la Silicon Valley Bank

Depuis quelques jours, un autre spectre rôde : celui des faillites bancaires, qui ravive des souvenirs encore frais dans nos mémoires. La faillite d’une banque provoquée par les pertes rencontrées sur son portefeuille d’obligations d’État américaines jugées « sans risque » a fait l’effet d’une bombe aux États-Unis, non seulement parce que tout le monde pensait que ce genre d’accident était désormais impossible vu le renforcement des contrôles depuis 2008, mais aussi parce que personne n’aurait imaginé qu’une simple hausse des taux longs puisse provoquer cela. Dans la foulée, les doutes sur la solidité des institutions financières ont resurgi, déstabilisant une nouvelle fois la finance mondiale.

Et maintenant ?

Difficile de se projeter tant la situation semble complexe : les banques centrales doivent continuer à lutter contre l’inflation galopante, mais des hausses trop rapides des taux risquent de provoquer d’autres catastrophes. La Fed et la Banque centrale européenne marchent sur des œufs, d’autant que le monde est complexe et qu’il y a manifestement encore de nombreux cygnes noirs qui nagent autour de nous, comme l’illustrent les déboires de plusieurs banques régionales américaines moins bien contrôlées que prévu ou encore l’épisode du Crédit Suisse, vendu en urgence pour éviter un second « Lehman Brothers ». La méfiance à l’encontre du secteur financier est de retour, ce qui n’est évidemment pas une bonne nouvelle. 

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Sylviane Delcuve Senior Economist
Master en Economie de l’ULB Economiste de la salle des marchés de la première banque du pays pendant 10 ans Responsable crédit pour les produits structurés. Nombreuses expériences dans l’enseignement : ULB, Solvay, ULG, HEC St Louis En savoir plus

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