Si les économies européennes se sont contractées en 2020, la reprise est au rendez-vous cette année. Fin mars, le Produit Intérieur Brut (PIB) de la zone euro stagnait 5,1 % en-dessous du niveau d'avant le coronavirus, selon les chiffres du quatrième trimestre de 2019. L'économie belge, comme celle de nos voisins du Nord, est un peu en avance sur les autres pays européens. La Belgique doit encore se situer à un petit 4 % alors que les Pays-Bas se trouvent même à 3,4 %.
C'est la conséquence directe de la forte croissance inattendue du premier trimestre. Les chiffres de la Banque Nationale (BNB) montrent que les composantes sous-jacentes du PIB y ont contribué.
L'assouplissement poussé des mesures a réveillé la consommation privée et les dépenses publiques sont également parties à la hausse. Les investissements globaux sont revenus au niveau d'avant le coronavirus, même si les investissements des entreprises en termes réels n'ont pas encore atteint une reprise complète.
Entretemps, nous avons dépassé la moitié du deuxième trimestre. Les assouplissements annoncés depuis mars laissent espérer une poursuite de la croissance économique. Pour en être sûr, nous devons en principe attendre les chiffres trimestriels finaux que la BNB publiera fin août. Mais grâce a un modèle de prévision immédiate flambant neuf, nous pouvons déjà regarder vers l'avenir.
À quoi correspond une prévision immédiate ?
Une économie est un système complexe, qui compte différents acteurs et de nombreux flux d'argent. Il n'est pas simple de mesurer directement, par exemple, la valeur ajoutée engendrée dans un trimestre. Cela demande des efforts, mais surtout du temps. La plupart des séries économiques sont disponibles avec un certain retard. Cela peut aller de quelques jours pour les indicateurs de confiance jusqu'à quelques mois pour les comptes nationaux.
L'objectif des modèles de prévision immédiate est d'obtenir un chiffre plus rapidement. Certains modèles permettent même de se prononcer sur une période qui n'est pas encore terminée, donc l'instant présent. C'est le cas du Business Cycle Monitor (BCM), publié par la BNB depuis fin 2019.
Les modèles sous-jacents utilisent aussi bien des indicateurs « durs », comme les chiffres du chômage, que des données plus qualitatives. Dans cette dernière catégorie, nous trouvons surtout le mesure de sentiments, comme l'indice de confiance des consommateurs et des entreprises. Cette approche classique apporte certainement sa plus-value mais dépend de séries de chiffres qui sont souvent disponibles avec retard. Que faire si nous souhaitons décrypter l'économie quasiment en direct ?
Nowcasting 2.0
En collaboration avec l'université de Gand, nous avons mis nos efforts en commun ces dernières semaines pour développer un modèle de prévision immédiate. Parallèlement aux sources d'information classiques, utilisées notamment par la BNB pour son BCM, nous disposons de notre indice bancaire unique.
Cet indice bancaire, basé sur des données de transactions anonymisées et agrégées, reprend l'évolution hebdomadaire du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises clientes chez nous. Comme le montre le graphique ci-après, cet indice est fortement corrélé à la croissance du PIB effective, mesurée par la BNB.
L'indice suit clairement les restrictions et assouplissements consécutifs tout au long de 2020. Les assouplissements, pendant lesquels l'HoReCa a été partiellement rouvert, sont couplés à une accélération de la croissance. Il est remarquable de constater une légère régression dans les dernières semaines de mai. Les modèles qui se basent sur des données moins récentes auraient raté cette régression. L'indice bancaire semble donc avoir une valeur prévisionnelle. Mais ses performances sont-elles meilleures qu'un modèle classique ?
Nowcasting en 2021
La présentation ci-après résume les performances des différents modèles, avec dans la partie gauche le premier trimestre de cette année et à droite le deuxième. Parallèlement aux prévisions effectives, on montre également pour chaque modèle le niveau de son incertitude. Une barre plus courte témoigne d'une incertitude plus faible.
On remarque, sur la partie gauche que l'incertitude tant du modèle classique (« macro only ») que de l'indice bancaire (« bank only ») est un peu plus élevée que lorsque les données sont combinées dans un seul modèle. C'est ce dernier modèle qui approche de plus près l'estimation flash. Le chiffre de croissance finale tombe aussi dans la fourchette d'incertitude du modèle combiné.
Nous voyons à peu près la même chose au deuxième trimestre. Mais ici nous voyons que le modèle classique (« macro only ») renferme un peu plus d'incertitude que les autres modèles. Le modèle combiné avance comme prévision finale un taux de croissance au deuxième trimestre de 1,1 %, en légère accélération par rapport au premier trimestre.
La BNB a, de son côté publié son BCM hier. Sur la base d'une combinaison de modèles et d'un apport humain, ils aboutissent à une estimation de 1,3 %. Pas tellement fou par rapport à notre propre prévision immédiate. L'explication principale réside probablement dans la régression constatée fin mai dans nos données hebdomadaires, qui ne se voit peut-être pas encore assez dans les chiffres mensuels sur lesquels se base la BNB.
Mais, plus important que le résultat final*, c'est de savoir que la prévision immédiate ne doit plus être considérée comme une utopie. L'utilisation intelligente de données publiques et de données internes anonymisées nous permet de prendre le pouls de l'économie en temps réel au lendemain des grands chocs économiques, depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Une pensée pleine d'espoir pour les décideurs de ce pays.
* La BNB publie d'abord une estimation flash (fin juillet) et, ensuite, le calcul final du PIB au deuxième trimestre (fin août).