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Politique
25.09.2017
Koen De Leus Chief Economist

May reporte de deux ans le scénario « cliff edge »

Vendredi, la première ministre britannique Theresa May a prononcé un discours – longuement attendu – à Florence. Les liens commerciaux et culturels entre le Royaume Uni et la ville italienne datent de plusieurs siècles, soit bien avant la naissance du marché unique. On a pu lire entre les lignes que le royaume de sa Majesté souhaitait conserver ses relations étroites avec l’Europe, même après le Brexit.

L’Europe et ses négociateurs, mais aussi et surtout les entreprises britanniques, attendaient ce discours avec impatience. Les entreprises avaient beau n’être pas d’accord, la position de May en début d’année – « il vaut mieux ne pas avoir d’accord qu’un mauvais accord » et « Brexit is hard Brexit » – avait le mérite d’être clair et permettait donc de se préparer. Le scénario catastrophe, le « cliff edge » – qui prévoit qu’en l’absence d’accord, le Royaume Uni sortira de l’union douanière et du marché unique en 2019 – faisait partie des possibilités.

Divorce dur

Depuis les désastreuses élections anticipées, le Royaume Uni manque cruellement de vision claire sur la direction à prendre. On parle désormais de Theresa May comme d’une « dead woman walking ». Boris Johnson, son ministre des Affaires étrangères, pourrait être le Judas de service. Johnson et ses partisans pensent que le Royaume Uni peut conclure suffisamment de traités avec des pays non européens pour compenser les conséquences d’une exclusion du marché unique européen. Un divorce rapide et complet de l’Europe est pour lui la meilleure voie pour « avancer et conclure d’autres accords de libre échange… et arriver à un Royaume Uni réellement mondial ».

Un tel divorce dur entraînera une facture salée. Le SPF Economie a calculé que les importateurs belges devraient payer un montant supplémentaire de droits de douane de 670 millions d’euros sur les biens importés du Royaume Uni. Pour les exportateurs belges, le supplément de coût pourrait s’élever à 1,6 milliard d’euros. De nombreux conservateurs, y compris le ministre des Finances britannique, Philip Hammond (défenseur du « Remain »), craignent également une hécatombe commerciale en cas de Brexit dur. Ils plaident pour que leur pays négocie un traité qui ressemble autant que possible aux conditions actuelles d’adhésion au marché unique et à l’union douanière, et ne considèrent pas la conclusion d’accords avec des partenaires non Européens comme prioritaire.

Période de transition

A Florence, May a essayé de garder l’église au milieu du village. Dans son discours, elle a clairement indiqué que le Royaume Uni était demandeur d’une période de transition de deux ans, qui verrait le maintien de toutes les règles européennes actuelles. Le Royaume Uni continuerait à accéder librement au marché européen jusqu’en mars 2021 et à payer sa contribution au budget européen jusqu’en 2020. Il respecterait également toutes les engagements pris dans le passé.

Sur le plan des futures relations commerciales, May s’est contentée d’énumérer ce dont elle ne voulait pas. Elle ne veut pas d’une affiliation à l’Espace Economique Européen qui garantit un accès au marché européen, et qui prévoit également la libre circulation des personnes. Dans ce scénario également, le Royaume Uni n’aurait plus son mot à dire sur le plan des règlementations. La première ministre a également exclu tout traité commercial comparable à celui conclu entre l’Europe et le Canada.

Cliff edge

Nous saurons rapidement si le négociateur européen Barnier considère que la main tendue est suffisante pour passer à la phase suivante des négociations. L’Europe souhaite d’abord régler les papiers du divorce, y compris la facture à payer par le Royaume Uni et le statut des Européens qui y résident. Une ouverture a été créée sur le premier point, et la libre circulation des personnes resterait en grande partie inchangée pendant la période de transition.

Pour les entreprises, le discours de May est double. La période de transition proposée évite qu’elle doive prendre aujourd’hui des mesures pour le cas (probable) où aucun nouvel accord commercial ne serait conclu d’ici mars 2019. Mais compte tenu de l’obscurité totale relative à un nouvel accord, le « cliff edge » tellement redouté reste d’actualité et est pour l’instant tout simplement reporté de deux ans.

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Koen De Leus Chief Economist
Koen De Leus (Bonheiden, 1969) détient un diplôme de master en sciences commerciales de la Economische Hogeschool Sint-Aloysius (EHSAL). Depuis septembre 2016, il occupe le poste d’économiste en chef au sein de BNP Paribas Fortis. Il est également professeur invité de la EHSAL Management School, notamment dans le domaine de la finance comportementale. En 2017, Koen a publié son livre « L'économie des gagnants : défis et opportunités de la révolution digitale », et en 2012, « Les règles d'or en bourse ». En collaboration avec Paul Huybrechts, il a écrit en 2006 « Au pays des vieux », un livre portant sur le défi social et économique du vieillissement de la population. En savoir plus

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