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Macroéconomie
04.06.2025
Sylviane Delcuve Senior Economist

Le difficile retour en arrière du commerce mondial

La guerre commerciale fait rage entre les deux plus grandes économies du monde et les victimes s’accumulent. L’OCDE vient de mettre à jour ses prévisions pour 2025 et 2026 et le constat est sans appel : il n’y aura que des perdants si les choses ne changent pas.




L’OCDE vient de publier son « Examen sur la résilience des chaînes d’approvisionnement » et le constat est qu’en se basant sur la très grande dépendance à la Chine qui caractérise de nombreux pays et de nombreux secteurs, les économies avancées risquent de subir une perte importante de PIB si elles agissent trop rapidement pour relocaliser les chaînes d'approvisionnement en tenant compte de la détérioration de l'environnement géopolitique. Si l’on en croit les résultats du modèle, une relocalisation trop rapide conduirait à une chute allant jusqu’à 18% du commerce mondial et un recul du PIB de 5% (certains pays pouvant perdre jusqu’à 12 % de leur PIB par rapport au maintien d’un régime commercial mondialisé). L'OCDE, qui représente la plupart des économies avancées, a lancé son avertissement alors que les tensions commerciales croissantes entre les États-Unis et la Chine ont intensifié les questions au sien des conseils d'administration sur le risque posé par les chaînes d'approvisionnement intégrées et mondialisées.

La pandémie nous avait ouvert les yeux sur les risques d’une trop forte dépendance à l’égard d’un seul partenaire commercial, mais l’OCDE veut faire savoir qu’aller trop loin vers la relocalisation et chercher à éviter le commerce international serait une autre erreur. Cette stratégie conduirait à des chocs nationaux et ferait émerger de grosses poches d’inefficacité, celles-là même qu’on avait cherché à  supprimer en rendant le monde plus global. Voilà le message de l’OCDE !

La Chine partenaire inévitable

Nous en sommes tous conscients, la Chine a connu un essor extraordinaire au plan industriel depuis son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce: 30% des biens manufacturés qui circulent dans le monde sont actuellement produits en Chine, contre à peine  15% aux Etats-Unis et 5% en Allemagne et on ne fera pas marche-arrière, surtout que dans le même temps,  la Chine impose de plus en plus de barrières à l’exportation de matières premières critiques pour protéger ses intérêts stratégiques. Elle utilise des quotas, des taxes à l’exportation, et exige des licences pour certains matériaux comme les terres rares afin de préserver ses ressources nationales, favoriser la transformation locale et renforcer son pouvoir géopolitique. La Chine est donc devenue un partenaire commercial dominant et pratiquement impossible à éviter pour beaucoup de pays et beaucoup de secteurs comme l'automobile, les produits pharmaceutiques ou encore pièces de machines. Une guerre commerciale nuit donc à tout le monde et envisager de relocaliser la production semble utopique !

Les recommandations de l’OCDE

L’OCDE préconise donc très logiquement un assouplissement drastique des barrières commerciales pour mettre fin à cette guerre des tarifs et invite à relancer les investissements pour éviter une trop forte hausse des prix, surtout parce que les risques budgétaires ont augmenté vu le contexte et parce que des années de faible investissement ont aggravé les défis à long terme auxquels sont confrontés la plupart des pays. L’Allemagne en fait aujourd’hui l’amer constat et tente par tous les moyens de sortir de l’ornière dans laquelle des années d’austérité l’ont fait basculer.

Nul n’ignore que malgré des bénéfices en hausse un peu partout dans le monde, ces dernières années, les entreprises ont souvent évité l'investissement en capital fixe au profit de l'accumulation d'actifs financiers et de la restitution des fonds aux actionnaires. Les efforts à faire pour corriger le tir seront rudes mais il faut s’y préparer car c’est le prix à payer pour un avenir plus prometteur !

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Sylviane Delcuve Senior Economist
Master en Economie de l’ULB Economiste de la salle des marchés de la première banque du pays pendant 10 ans Responsable crédit pour les produits structurés. Nombreuses expériences dans l’enseignement : ULB, Solvay, ULG, HEC St Louis En savoir plus

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