Comme nous l’avons indiqué dans notre podcast « On fait le point » de décembre dernier : si la première information constitue un danger, la seconde pourrait être un cadeau du ciel pour les marchés financiers.
Mais concentrons-nous d’abord sur Bostic et les messages diffusés la semaine dernière par la Fed. Bostic est le premier administrateur de la Fed à oser déclarer ouvertement que la banque centrale américaine pourrait commencer par une double salve de hausse des taux. Cela rend encore plus fort le ton ferme (comment traduit-on « hawkish » ?) de la réunion de fixation des taux de mercredi dernier. Powell, le président de la Fed, a alors déclaré que « l’économie se trouvait dans une situation très différente » de celle du précédent cycle de hausse des taux. La reprise économique est plus vigoureuse, le marché de l’emploi plus sain et l’inflation plus élevée. « Ces différences pourraient avoir des conséquences importantes sur le rythme d’ajustement des taux. » En d’autres termes, des hausses plus rapides.
Six hausses de taux
Powell a également déclaré « disposer d’une grande marge de manœuvre pour augmenter les taux sans menacer le marché de l’emploi, aujourd’hui très tendu selon plusieurs indicateurs ». C’est une déclaration forte de la part d’un homme qui a tendance à s’exprimer avec prudence. Le message de Powell était clairement plus dur que ce à quoi les marchés s’attendaient. Cela s’est traduit mercredi dernier par un retournement négatif de 4 points de base sur le Nasdaq (qui a finalement clôturé au même niveau qu’à l’ouverture).
Avant la réunion de la Fed, le marché tablait sur trois ou quatre hausses de taux, la première étant attendue en mars. Le président de la Fed a refusé d’exclure la possibilité davantage de hausses de taux pour cette année. BNP Paribas s’attend désormais à six hausses de taux en 2022 et à trois hausses l’an prochain, ce qui pourrait porter les taux à 2,25-2,5% d’ici fin 2023. D’après nous, l’annonce du resserrement quantitatif (la fin des réinvestissements des obligations arrivées à échéance) devrait survenir plus tôt que prévu – c’est-à-dire en juin, soit un mois avant son début effectif, en juillet. Nous y reviendrons dans une de nos prochaines newsletters.
Le « Fed-put » au frigo
Les commentaires de Powell et de Bostic indiquent que le Fed-put est pour l’instant au frigo. La reprise économique est un peu trop rapide et les estimations de hausse de l’inflation et les revendications de hausses des salaires doivent être tempérées avant qu’elles n’entraînent l’économie dans une spirale infernale salaires-prix que tout le monde craint. Et tant pis si les marchés d’actions doivent en souffrir. Grâce à l’enrichissement des investisseurs, les marchés financiers sont un important pilier de la consommation des ménages américains. Les Américains détiennent en effet un pourcentage d’actions relativement élevé via leur pension d’entreprise. La situation financière des ménages est aujourd’hui bien meilleure qu’après la crise financière de 2008 : ils sont moins endettés, disposent de revenus nets plus élevés et ont économisé pendant les périodes de confinement. Une nouvelle correction des marchés financiers ne devrait donc pas les perturber immédiatement.
Powell a également indiqué que le comité de fixation des taux devait encore préciser la future trajectoire des taux d’intérêt. « À l’heure actuelle, nous n’avons encore pris aucune décision quant à la stratégie à suivre, et je tiens une fois de plus à souligner que nous sommes humbles et flexibles. » Les surprises éventuelles au niveau de l’inflation – à la hausse ou à la baisse – influenceront la voie à suivre. « Nous devrons prendre en compte les données que nous recevrons ainsi que les tendances du moment. »
La Fed reconnaît qu’elle n’a aucune idée de la direction que prendra l’inflation, à terme. Les incertitudes sont donc énormes. Omicron est-il le dernier variant du covid à menacer l’économie ? Le secteur des services pourra-t-il ensuite se reprendre, au détriment du secteur – en surchauffe – des biens ? La chaîne d’approvisionnement pourra-t-elle se rétablir à court terme ? Les Russes vont-ils calmer leurs ardeurs ? Autant de pièces importantes – mais peu claires – du grand puzzle de l’inflation.
Déflation chinoise ?
La suggestion de 50 points de base émise ce week-end par Bostic est un signe supplémentaire que le resserrement pourrait se faire plus vite qu’attendu par le marché. Ce dernier ne s’est pas laissé abattre, lundi matin, et a démarré la semaine dans un esprit positif. Le ralentissement de la croissance en Chine y est peut-être pour quelque chose. Il convient cependant de noter qu’une telle baisse des activités manufacturières n’est pas inhabituelle à l’approche des congés relatifs au Nouvel An chinois.
En règle générale, les marchés ne se réjouissent pas d’un ralentissement de la croissance chinoise. Mais au cours des deux ou trois dernières décennies, l’inflation n’était pas un problème. Aujourd’hui, le ralentissement de la croissance en Chine pourrait freiner l’inflation mondiale. Super ! Dans ce scénario, tout nouvel assouplissement de la politique monétaire chinoise pourrait faire reculer le cours du yuan. Les prix à l’exportation baisseraient en Chine et les partenaires commerciaux pourraient ainsi importer des produits chinois à bon prix. Finalement, cela pourrait être une agréable surprise au milieu des turbulences inflationnistes. J’utilise explicitement le conditionnel parce que, comme Powell, nous sommes devenus humbles au cours de l’année écoulée en matière de prévision de l’inflation. Les données macroéconomiques à venir devraient nous guider.