Menu
Macroéconomie
08.09.2020
Koen De Leus Chief Economist

La Fed influence la courbe du dollar : le sourire fait place à la grimace

Le changement de cap de la FED – à l’avenir, sa politique visera le plein emploi et une inflation plus élevée – a d’importantes conséquences dans le monde entier. La raison en est l’impact de ce changement sur le dollar, la monnaie principalement utilisée dans les transactions du commerce international. Ces 25 dernières années, les États-Unis ont suivi implicitement le mantra du ‘dollar fort’. Un cours de change fort de la monnaie américaine servait les intérêts des États-Unis et du monde entier. La politique suivie maintenait l’inflation à un niveau bas, encourageait les investissements étrangers et préservait la position clé du dollar dans le système financier mondial. Il incitait aussi les détenteurs étrangers d’obligations à acquérir davantage de titres du Trésor américain.

Le rôle international du dollar ne disparaîtra pas dans l’immédiat. En revanche, ce qui va changer, c’est la réaction du dollar aux cycles économiques. Auparavant, une croissance américaine plus élevée impliquait une politique monétaire plus agressive, un aplatissement de la courbe des taux d’intérêt et une monnaie plus forte. Mais dorénavant la Fed ne réagira plus aussi rapidement. Les taux directeurs américains resteront bas plus longtemps. La courbe des taux – l’écart de taux entre les durées courtes et longues – se verticalisera.

Sourire

Conséquence de ce changement de régime, la partie droite du sourire du dollar est coupée net (voir graphique). Le profil du dollar qui se présentait avant comme un sourire se muera en grimace à l’avenir. Une croissance américaine plus élevée réactive la demande mondiale et l’offre (ainsi que la demande) globale de dollars augmente. Auparavant les taux augmentaient et le dollar suivait le mouvement et grimpait.  Ce scénario est moins probable désormais. Les taux d’intérêt américains ne bougeront que si l’inflation a dépassé l’objectif des 2% pendant un certain temps.

dollar smile

Et qu’en est-il de la partie gauche du ‘sourire’ ? Une croissance américaine (et mondiale) faible reste un point positif pour le dollar. Mais la politique ultrasouple que la Fed nous prévoit à présent fait également que pareille situation se présentera moins souvent.

Baisse progressive

Cela ne veut pas dire que nous nous attendons à une dégringolade du dollar. Dans notre scénario de base, le dollar poursuit sa baisse progressive jusqu’au niveau de 1,22 dollar l’euro. Tout dépend toutefois beaucoup de la réaction qu’auront les autres banques centrales au changement de cap. La BCE a déjà fait comprendre par la bouche de son économiste en chef Philip Lane que la limite de 1,20 dollar l’euro compte aux yeux de la BCE. À court terme, la BCE ne peut toutefois pas faire grand-chose de plus que de parler d’une baisse de l’euro. Pour la baisse effective, il faudra attendre les résultats de la révision de la politique monétaire dans le courant de l’année 2021. En revanche, d’autres banques centrales pourraient encore assouplir leur politique monétaire davantage pour contrer les effets du dollar en baisse et, du coup, de l’inflation plus basse. Le risque d’une guerre des changes se rapproche ainsi un peu plus.

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Koen De Leus Chief Economist
Koen De Leus (Bonheiden, 1969) détient un diplôme de master en sciences commerciales de la Economische Hogeschool Sint-Aloysius (EHSAL). Depuis septembre 2016, il occupe le poste d’économiste en chef au sein de BNP Paribas Fortis. Il est également professeur invité de la EHSAL Management School, notamment dans le domaine de la finance comportementale. En 2017, Koen a publié son livre « L'économie des gagnants : défis et opportunités de la révolution digitale », et en 2012, « Les règles d'or en bourse ». En collaboration avec Paul Huybrechts, il a écrit en 2006 « Au pays des vieux », un livre portant sur le défi social et économique du vieillissement de la population. En savoir plus

Sur le même sujet

Pas de résultat