Le rôle international du dollar ne disparaîtra pas dans l’immédiat. En revanche, ce qui va changer, c’est la réaction du dollar aux cycles économiques. Auparavant, une croissance américaine plus élevée impliquait une politique monétaire plus agressive, un aplatissement de la courbe des taux d’intérêt et une monnaie plus forte. Mais dorénavant la Fed ne réagira plus aussi rapidement. Les taux directeurs américains resteront bas plus longtemps. La courbe des taux – l’écart de taux entre les durées courtes et longues – se verticalisera.
Sourire
Conséquence de ce changement de régime, la partie droite du sourire du dollar est coupée net (voir graphique). Le profil du dollar qui se présentait avant comme un sourire se muera en grimace à l’avenir. Une croissance américaine plus élevée réactive la demande mondiale et l’offre (ainsi que la demande) globale de dollars augmente. Auparavant les taux augmentaient et le dollar suivait le mouvement et grimpait. Ce scénario est moins probable désormais. Les taux d’intérêt américains ne bougeront que si l’inflation a dépassé l’objectif des 2% pendant un certain temps.
Et qu’en est-il de la partie gauche du ‘sourire’ ? Une croissance américaine (et mondiale) faible reste un point positif pour le dollar. Mais la politique ultrasouple que la Fed nous prévoit à présent fait également que pareille situation se présentera moins souvent.
Baisse progressive
Cela ne veut pas dire que nous nous attendons à une dégringolade du dollar. Dans notre scénario de base, le dollar poursuit sa baisse progressive jusqu’au niveau de 1,22 dollar l’euro. Tout dépend toutefois beaucoup de la réaction qu’auront les autres banques centrales au changement de cap. La BCE a déjà fait comprendre par la bouche de son économiste en chef Philip Lane que la limite de 1,20 dollar l’euro compte aux yeux de la BCE. À court terme, la BCE ne peut toutefois pas faire grand-chose de plus que de parler d’une baisse de l’euro. Pour la baisse effective, il faudra attendre les résultats de la révision de la politique monétaire dans le courant de l’année 2021. En revanche, d’autres banques centrales pourraient encore assouplir leur politique monétaire davantage pour contrer les effets du dollar en baisse et, du coup, de l’inflation plus basse. Le risque d’une guerre des changes se rapproche ainsi un peu plus.