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Marchés Financiers
18.12.2024
Sylviane Delcuve Senior Economist

La courbe des taux se normalise

Plusieurs pays d’Europe, dont la Belgique, vivent depuis plus d’un an et demi dans un contexte de courbe des taux inversée, à savoir des taux courts plus élevés que les taux d’intérêt à long terme. C’est une situation assez inédite qui semble en passe de se terminer. Retour à la normale en vue pour 2025.

La Banque centrale européenne vient de baisser ses taux pour la quatrième fois en six mois. Le principal taux, celui de la facilité de dépôts, se situe à présent à 3%. Le marché avait largement anticipé cette décision, du moins si l’on se fie à l’évolution du taux Euribor à 3 mois des dernières semaines. L’inflation n’est plus un problème en Europe, même si elle reste trop élevée au niveau des services. De nouvelles priorités sont également apparues depuis la victoire de Donald Trump au début du mois de novembre. Il ne fait aucun doute, en effet, que l’Europe va devoir dépenser davantage pour assurer sa défense. Ni que les droits de douane risquent d’impacter plus ou moins lourdement la bonne marche des affaires. La confiance s’effrite dans plusieurs pays et il faudra un coup de pouce monétaire pour limiter les dégâts. C’est pourquoi la majorité des analystes s’accordent sur l’idée que les taux d’intérêt européens vont continuer à baisser tout au long de 2025. Le niveau de 2% semble réaliste. Ce qui signifie encore 4 baisses de 25 points de base.

Stabilisation des taux longs

L’inquiétude quant au dynamisme de l’activité économique future se lit aussi dans la stabilité des taux d’intérêt à long terme en Europe, alors qu’ils sont repartis à la hausse aux États-Unis au lendemain de la victoire de Donald Trump. En Belgique, le taux « sans risque » à 10 ans fluctue actuellement autour de 2,5%. Si on redoute plus d’inflation aux États-Unis en 2025, ce n’est manifestement pas le cas en Europe.

ee yield curve belgique

La combinaison de ces deux tendances a permis de ramener la courbe des taux d’intérêt, c’est-à-dire la courbe qui reprend l’ensemble des taux d’intérêt pour toutes les maturités (du taux 3 mois au taux à 10 ans), à une situation proche de la normalité. Autrement dit : les taux courts ne seront bientôt plus supérieurs aux taux longs. Cette situation s’appelle « une courbe inversée ». Et c’est un phénomène rarissime. Depuis l’adoption de la monnaie unique, en 1999, à part une courte période autour des attentats du World Trade Center en 2001 et lors de la crise financière en 2008, il n’y avait pas eu d’inversion de la courbe des taux. Depuis mars 2023, plusieurs pays d’Europe, dont la Belgique, y sont toutefois confrontés. Cela fait donc plus de 20 mois que cela dure : du jamais vu ! Cet environnement est très particulier car l’épargnant se retrouve avec des placements à court terme mieux rémunérés que s’il renonce à ses liquidités pour plus longtemps. Les emprunteurs, eux, vivent également des moments étranges, car emprunter à long terme coûte moins cher qu’à court terme. On le voit bien, c’est un monde assez anormal et on comprend dès lors pourquoi ces situations sont si rares et si éphémères… En temps normal, du moins.

Temps anormaux depuis 2023

Et c’est là le problème : nous vivons des temps « anormaux » depuis longtemps. Le choc inflationniste provoqué par la sortie de Covid et la guerre en Ukraine ont brouillé les pistes, obligeant les banques centrales à surréagir en 2023, lorsqu’elles ont pris la mesure du caractère « durable » de la hausse des prix, alors qu’elles l’avaient jugée être un « phénomène temporaire ». Elles ont donc poussé les taux d’intérêt à court terme à des niveaux très élevés, dépassant dans certains pays le niveau des taux longs.

Les choses semblent sur le point de se normaliser. Depuis quelques jours, la courbe est à nouveau quasi plate en Belgique. Et tout indique que lors de la prochaine baisse des taux directeurs, sans doute au premier trimestre 2025, la courbe reprendra une pente positive – ce qui signifie que les taux longs seront à nouveau plus élevés que les taux courts. Un retour à la normale pour tout le monde et une victoire pour la logique économique… car il faut bien reconnaître qu’une courbe inversée, c’est plutôt particulier !

 

 

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Sylviane Delcuve Senior Economist
Master en Economie de l’ULB Economiste de la salle des marchés de la première banque du pays pendant 10 ans Responsable crédit pour les produits structurés. Nombreuses expériences dans l’enseignement : ULB, Solvay, ULG, HEC St Louis En savoir plus

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