La situation de la zone euro est très différente de celle des États-Unis et du Royaume-Uni. L’inflation de base – qui exclut les éléments les plus volatils comme l’énergie et les produits alimentaires – est en hausse et se rapproche de 2%. Tout ce qui dépasse ce niveau s’explique par la composante énergétique. Au Royaume-Uni, l’inflation de base a dépassé 4% et aux États-Unis, elle flirte avec 6%. La hausse des prix ne se limite pas à l’énergie. Celle-ci se répercute donc lentement sur les salaires et les attentes en matière d’inflation. C’est pourquoi la Banque d’Angleterre et la banque centrale américaine souhaitent normaliser leur politique monétaire plus rapidement. Aujourd’hui, les incitants monétaires sont encore très élevés, avec un taux réel (taux à dix ans moins l’inflation) de -6,7% en Belgique, de -5,6% aux États-Unis et de -4% au Royaume-Uni.
La Fed
La Fed devrait être la première à normaliser sa politique. Nous nous attendons, à partir de mars, à six hausses de taux de 25 points de base en 2022 et à trois nouvelles hausses identiques en 2023. Fin 2023, le taux à court terme devrait donc se situer entre 2,25 et 2,50%. Les rachats d’obligations arrivent progressivement à leur terme. En juin, la banque devrait annoncer pour juillet la réduction progressive du bilan de la banque centrale, gonflée d’obligations souveraines et hypothécaires. Nous reviendrons en détail sur l’impact de cette mesure sur les taux dans une prochaine communication.
La Banque d’Angleterre a déjà procédé à une augmentation de son taux directeur et il a été mis fin aux rachats d’obligations souveraines dès la fin de l’an dernier. Pour cette année, nous nous attendons à trois nouvelles hausses de taux de 25 points de base et à deux nouvelles hausses en 2023. Fin 2023, le taux devrait donc se monter à 1,75%. La réduction du portefeuille d’obligations souveraines britanniques devrait commencer en 2023.
La BCE
Reste la Banque centrale européenne. Jusqu’à tout récemment, nous pensions que la première augmentation de taux aurait lieu au plus tôt fin 2023. Cependant, la conférence de presse qui a suivi la réunion de la BCE début février ressemblait davantage à une capitulation. La veille, la banque avait annoncé une inflation de 5,1% pour la zone euro, soit bien plus que les attentes des économistes (4,4%). Tout comme avec la Fed, la confiance dans un ralentissement de l’inflation pour les prochains mois a soudainement disparu. Tout d’un coup, Lagarde et ses collègues se sont inquiétés des effets secondaires susceptibles d’être provoqués par une plus longue période d’inflation. Ceux-ci pourraient rendre l’inflation beaucoup plus persistante. La principale inquiétude porte sur l’éventualité d’une forte hausse des salaires. Aujourd’hui, le sujet n’est pas à l’ordre du jour, mais la dérive salariale[1], un indicateur annonciateur de hausses des salaires, commence lentement à émerger.
Pour la zone euro, nous nous attendons à une première hausse de taux de 25 points de base en septembre. Une deuxième hausse devrait avoir lieu en décembre et deux autres en 2023. Fin 2023, le taux de la BCE devrait donc se situer à 0,50%. D’ici la fin mars, le programme PEPP de rachats d’obligations souveraines – qui fut lancé pendant la pandémie – devrait se terminer. Pour éviter que la transition ne soit brutale, la BCE devrait continuer à racheter des obligations via le programme APP au cours des mois suivants jusqu’en juillet. La réduction du bilan ne suivra pas immédiatement. Mais à partir de juin, les banques pourront rembourser anticipativement les emprunts avantageux (TLTRO) contractés auprès de la BCE, ce qui devrait nettement réduire le surplus de liquidités présentes sur le marché.
Les marchés financières
La future hausse met définitivement fin à l’ère de baisse structurelle des taux d’intérêt. Les obligations à longue échéance anticipent sur cette tendance en augmentant les taux, ce qui fait baisser les cours des obligations déjà émises. Les marchés d’actions ont pris une première gifle. Plus les taux sont élevés, plus nous devons nous attendre à de la nervosité sur les marchés. Mais tant que les bénéfices des entreprises ne souffrent pas d’un ralentissement de la croissance, rien n’est perdu. Dans le passé, il a toujours fallu une récession économique pour mettre fin à la plupart des marchés haussiers. Sauf circonstances imprévues, cela ne devrait pas être le cas avant 2024.
[1]La dérive salariale se produit lorsque l’évolution réelle des salaires s’écarte de l’évolution conventionnelle.