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Politique
04.03.2022
Sylviane Delcuve Senior Economist

Coup de tonnerre sur le prix du CO2

La guerre en Ukraine provoque une évolution inattendue du prix des émissions de CO². Phénomène surprenant mais de courte durée sans le moindre doute.

Le prix des quotas carbone a subi la plus forte chute de son histoire ces derniers jours. Il y a encore quelques semaines, le carbone était considéré comme un marché voué à croître en permanence, avec l’accélération de la transition climatique. La tonne de carbone flirtait alors avec les 100 €. Mais l’invasion russe en Ukraine a bouleversé la donne. Le prix des « droits à polluer », que les industriels de certains secteurs doivent acheter pour compenser leurs émissions de CO2, a, depuis, perdu 30% de sa valeur. L’amplitude de la chute a été assez surprenante, car elle est allée à l’inverse de la trajectoire des prix de l’énergie. Avec la flambée des prix du gaz et du pétrole provoquée par la crise en Ukraine, certains traders ont dû vendre leurs quotas carbone pour couvrir la hausse des appels de marge notamment sur le gaz, qui s’envole de près de 120% depuis le début de l’année.

co² price

Reflux vers les investissements plus sûrs

Dans ce contexte géopolitique, les investisseurs réduisent la voilure en termes de risques dans les portefeuilles et choisissent de se rabattre sur ce qu’ils considèrent comme des investissements plus sûrs : c’est notamment pour cela que les taux d’intérêt à long terme se sont légèrement détendus depuis le début de la guerre. De nombreux fonds ont donc changé de cap, se délestant de leurs quotas carbone pour compenser leurs pertes sur les marchés actions. D’autres facteurs peuvent également expliquer cette baisse. À court terme, l’envolée des prix de l’énergie et la guerre laissent présager une baisse de la croissance économique, et donc moins d’émissions de CO2, ce qui devrait faire diminuer la demande de quotas carbone. Face à l’envolée des prix du gaz et du charbon, l’Allemagne a déjà annoncé qu’elle allait considérablement renforcer ses capacités de production d’énergie solaire et éolienne, afin de passer à 100% d’électricité renouvelable d’ici 2035. Berlin pourrait également faire volte-face et relancer ses centrales nucléaires afin de réduire sa dépendance au gaz russe, ce qui ferait drastiquement chuter ses émissions de CO2.

Retour en grâce du charbon

La tendance est comparable pour le charbon. Les prix du gaz sont si élevés qu’il devient plus rentable de brûler l’énergie fossile la plus polluante pour produire de l’électricité. La demande en Europe explose, mais les électriciens ne veulent plus avoir du charbon russe entre les mains ou se préparent à ne plus pouvoir en acheter. Ils se tournent donc vers d’autres producteurs, ce qui contribue à mettre le marché mondial sous tension. 

Le marché est d’autant plus tendu que la Chine, qui n’a pourtant pris aucune sanction contre la Russie, tourne elle aussi le dos au charbon russe.

Perspectives inchangées à long terme

Les perspectives à long terme restent cependant globalement inchangées : la réforme du marché du carbone est en cours d’examen au Parlement européen. Et même si elle devait prendre un peu de retard, elle finira de toute manière par resserrer le marché et faire augmenter le prix des quotas. C’est une étape incontournable pour vivre dans un monde moins polluant.

Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement la position de BNP Paribas Fortis.
Sylviane Delcuve Senior Economist
Master en Economie de l’ULB Economiste de la salle des marchés de la première banque du pays pendant 10 ans Responsable crédit pour les produits structurés. Nombreuses expériences dans l’enseignement : ULB, Solvay, ULG, HEC St Louis En savoir plus

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